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Entretien avec une psychiatre

  • emmaiannaccone
  • 13 janv. 2016
  • 5 min de lecture

Afin de mieux comprendre la schizophrénie, nous avons rencontré une psychiatre spécialisée dans ce domaine. Voici l’entretien que nous avons mené avec le docteur Marie REY-CAMET, à l’hôpital psychiatrique d’Eaubonne :

La schizophrénie qu'est-ce que c'est pour vous ?

La schizophrénie c'est la psychose la plus grave.

On ne peut pas la définir, personne ne sait réellement ce que c'est.

C'est une maladie dont on ne guérit pas, pour le moment.

Cette psychose chronique, la principale, provoque une perte du rapport avec la réalité, néanmoins pas du sens de la réalité.

Par exemple, un patient pendant mes consultations me disait « vous voyez là, il y a des fleurs je le sais, mais je ne ressens rien ». Il exprimait ce sentiment avec beaucoup de désespoir, il se rendait compte que de voir les fleurs un beau matin dans l'herbe ne lui faisait rien. Ses émotions étaient éteintes.

Mais il y a également les autres symptômes comme les hallucinations etc.

Un autre de mes patients passait sa journée devant le miroir à se regarder puis un matin il est venu et il nous a dit « Je n’ai plus la même tête », il ne comprenait pas son image et il ne la reconnaissait pas

Il s'est suicidé plus tard d'une balle dans la tête dans le parc de l’hôpital. On appelle ce type de schizophrénie le « signe du miroir ».

Il y a deux utilisations inappropriées du terme « schizophrène » et qui sont très énervantes pour les psychiatres.

D’une part, les journalistes qui désignent les hommes politiques comme des schizophrènes, car un jour ils disent une chose et le lendemain son inverse.

Et d’autre part, les clichés des schizophrènes dans les films d'horreur.

Schizophrène ne veut pas dire dangereux : il y a moins de crimes commis par des schizophrènes que par la population en général.

Le terme schizophrène vient de « schizo » signifiant couper et de « phrène » qui signifie en grec l'esprit.

La schizophrénie est une maladie qui touche les adultes jeunes et qui explose à l'adolescence entre 15 et 35 ans.

La schizophrénie est-elle due à un traumatisme ?

Pour moi cette question est violente car les psychiatres, les plus scientifiques, biologistes disent que c'est génétique et d'autres psychiatres du côté de la psychanalyse et de la psychogénèse pensent que cela ne dépend pas du corps mais de l'esprit et de l'histoire.

Moi personnellement je ne sais pas, je peux simplement avoir mon opinion par rapport à mon expérience et à ma formation personnelle, qui est du côté de la psychanalyse.

Les parents se demandent souvent « pourquoi c'est lui et pas son frère ? ».

Est-ce que la génétique à avoir là-dedans, question sur laquelle nous ne disposons pas d'assez de connaissances, certaines personnes sont sûres mais il y aura toujours une incertitude.

Les neurobiologistes et les généticiens sont en train de se rendre compte que l'impact biologique du vécu psychique retentit sur les gènes.

La dépression joue sur la force de l’immunité par exemple.

Avez-vous déjà conseillé l'art-thérapie à vos patients ?

Oui certainement, s’il y a possibilité de leur proposer. En général c'est les psychologues et les infirmiers qui sont formés pour les encadrer dans la poterie, la sculpture, la peinture, ce qui demande des moyens dont nous ne disposons pas forcément.

Cette maladie chronique enlève certains filtres puisque les patients ne sont pas dans un rapport à la réalité.

Cela va dans deux sens, la perception de la réalité mais aussi dans la façon d'exprimer certaines choses.

L'art thérapie est très importante lorsque les patients sont encadrés dans leurs traitements, ça leur permet d'exprimer des choses, de mettre des mots sur les choses qu'ils ressentent, ce qui est très important pour moi car c'est une mise à distance par rapport à soi.

Ça les aide à réfléchir sur ce qu'ils ressentent. Je pense que c'est un point d'appui pour ce qu'on appelle une reconnaissance narcissique. En effet, si les soignants autour trouvent que c'est bien, alors c'est une pratique qu'on peut continuer de travailler de manière thérapeutique.

Est-ce que la maladie peut évoluer en s'aggravant ?

Si le patient est suivi, la maladie ne s'aggrave pas. La schizophrénie ne se guérit pas mais on peut la stabiliser voire la travailler de façon à ce que les symptômes se voient de moins en moins.

Par exemple, un patient que j'ai reçu il y a 30 ans, qui est décédé l'année dernière, avait un traitement très lourd. C’est quelqu'un qui a travaillé toute sa vie en milieu ordinaire au prix d'un traitement très lourd, au prix de deux ou trois rechutes.

Il était veilleur de nuit dans l’hôtellerie de luxe, car il voulait éviter d’être confronté aux clients de l’hôtel dans la journée. S'il avait travaillé de jour cela aurait été insupportable pour lui, il y aurait eu trop de mouvement.

On propose à certains patients de travailler dans les ESAC, dans lesquels on trouve des ateliers qui les protègent. Ils sont mis en place par l’État, et on y permet aux patients de travailler, avec des pauses : c'est de l'aide au travail.

Le point de départ de la schizophrénie commence par une hospitalisation.

Il y a deux façons de rentrer dans la maladie : soit d’un coup, brutalement ou bien progressivement petit à petit.

Quels sont les traitements mis en place ?

Les patients sont encadrés par la psychothérapie avec donc de l'art thérapie, le théâtre…

Il y a souvent plusieurs hospitalisations et des rechutes, soit parce que le patient a arrêté son traitement, ou bien à cause de son entourage qui l'influence à l’arrêter.

C'est tout un contexte social de dénégation.

Le schizophrène met en général quelques années pour devenir adhérent au traitement, qui lui permet de calmer les symptômes bruyants comme l'angoisse, la dépression.

Une fois qu'il est adhérent à son traitement, la maladie peut se stabiliser, mais il y a une marge plus ou moins importante de sa vie qui est entamée par la maladie.

Le patient se rend-il compte qu'il est malade ?

Certains resteront toute leur vie dans le déni, alors que d'autres en ont conscience et nomment même leur maladie. Il y en a qui sont entre les deux.

Par exemple : une dame qui est hospitalisée en ce moment, elle a rechuté, et s’est retrouvée de nouveau à l'hôpital.

À chaque fois, on lui donne le traitement pendant deux ans et tout va bien, puis elle ne le respecte plus jusqu'à se retrouver à l’hôpital et c'est reparti.

C'est un cliché de dire que les grands fous n'ont pas conscience de leur maladie car ce n'est pas vrai : quand ils sont en plein délire, ils vont nous dire « vous voyez à quel point je suis malade ».

La négociation avec soi-même, ce passage de prise de conscience de la maladie, réaliser qu'on ressemble aux autres atteints de la maladie à l’hôpital, qu'on va s'approprier le traitement, comme un allié et non plus un ennemi que les psychiatres vont vous donner pour que vous leur foutiez la paix… Cela peut durer des années, probablement toute la vie.

Innée ou acquise ?

Pour moi, on ne nait pas avec, même s’il y a peut-être un petit quelque chose de génétique quand on vient au monde.

Comment l'entourage accompagne-t-il le patient ?

Les membres de l’entourage du schizophrène n'y comprennent rien, c'est la double peine, ils s’éloignent ne pouvant pas faire grand-chose, et ils sont confiés aux soignants.

Mais il y a aussi des familles très proches qui empêchent les traitements car elles jugent que c'est mauvais pour la santé. On les prend donc souvent en charge également. Le psychiatre est souvent le point de repérage pour la famille car c'est le seul qui comprend le malade.

Il y a un pourcentage important de schizophrènes qui se suicident, dans des moments délirants ou de creux.


 
 
 

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